Vanité

<Talos Island, tour Hélios>

Cette journée quasi-estivale avait été un vrai calvaire, la nuit n'avait pas rafraîchi l'atmosphère lourde de cette fouttue ville et dès son lever Luke avait éprouvé cette désagréable sensation de moiteur chaude sur sa peau. La douche fraîche n'avait rien arrangé, au contraire, en émergeant de la vaste cabine il avait été assailli de nouveau, sensation oppressante. 5h26, encore une heure avant que le chauffeur ne vienne le cueillir. FBI ou pas ? Depuis que le scandale financier avait éclaté les membres du directoir avaient eu a subir les pires exactions de ces chiens du gouvernements, des os à ronger voilà tout ce qu'ils voulaient, ces misérables se repaissaient des malheurs de son clan, des membres de cette caste dirigeante, un seul faux pas et comme des charognards ils se précipitaient. Après les journeaux économiques le grand public avait eu vent de cette ridicule affaire par les tabloids. La famille Ashwwod-Carnegie était dans la tourmente : délit d'initié et détournement de fonds, rien de bien original pour ceux qui gravitent dans la finance, mais pour eux... Contemplant le soleil sur le front de mer il eu un sourire ironique, ils s'en sortirait bien sur, pourtant il risque d'y laisser quelques plumes et surtout pas mal d'argent. Chris et Emma dorment encore, il les retrouvera ce soir, il a hâte.

<Atlas Park, tribunal fédéral>

10h07, le juge est en retard, la climatisation est en panne et les journalistes sont nombreux. Ce tribunal est sâle, ils sont là comme un banc de mouette sur une décharge, tous aussi repoussants les uns que les autres. Son père et son frère sont là, journée capitale pour les témoignages, le directeur commercial est là lui aussi... "Duty of candor", arriver les mains ouvertes et tout dire, quel concept stupide, la vérité est tellement malléable. Il faudra qu'il s'approche de lui pour pénétrer sa conscience et mettre à mal son intellect, sans son témoignage Luke ne tombera pas, son père et son frère... C'est l'occasion de se débarasser d'eux, ils porteront toutes les charges.

17h24, la confrontation n'a pas eu lieu, Luke ronge son frein, il faut qu'il rencontre le témoin durant la procédure. Encore 13 jours de procès, il a le temps, patience. La luxueuse voiture glisse sur l'asphalte, fraîcheur et silence. Luke n'entend que le bourdonnement léger de l'esprit du chauffeur. Il quitte la voiture, le souffle nauséabond de la ville l'enveloppe le temps qu'il franchisse la porte automatique du building. 32e étage, héliport.

<Un salon avec terrasse, une table basse, des bouteilles d'alcool et un sachet de poudre>

Il est déjà tard, après un repas frugal Luke, Chris et Emma ont déchaîné leurs envies, la musique curieuse, le métal froid et aseptisé de leurs accessoires, lanières de cuirs, rails de coke, alcools... Luke est le réceptacle de tout cela, ce que chacun expérimente les autres le ressentent, tous ont gouté au claquement infligé par Chris sur sa peau, la poudre légère qui s'engouffre scintillante dans les narines palpitantes d'Emma, le plaisir sadique de Luke puis la tragédie. Chris s'emporte, Emma rit a gorge déployée sur la terrasse, les pensées de Luke chavirent, son pouvoir est libre, leurs pensées sont une mer démontée. Memento mori, Chris a saisi le crâne de bronze antique, une des vanités que Luke affectionne, et l'abat violement sur son ami, le plaisir et la douleur les submergent, l'horreur également, ils ne sont pas capables de supporter tant d'émotions, le sang ruisselle sur le visage de Luke, son esprit vacille mais les autres le soutiennent, ils sont chacun dans l'autre. Le rire hystérique d'Emma trahit leur peur et le bras musclé de Chris s'abat de nouveau, le geste est lent mais sur. Luke a saisi un couteau, la rage animale est en eux, l'humanité les a quitté, instinct au-delà de toute raison, le corps meurtri dans un réflexe révèle son désir de vie, il aspire la force de la frêle Emma, le rire s'éteint comme les blessures disparaissent, le couteau traverse le costume du bourreau. Emma bascule, elle a perdu connaissance, épuisée.

<Parangon enquier http://www.paragon-enquier.prg.com , dépêche - Double meurtre, Luke Ashwwod-Carnegie déjà accusé>

Hier tard dans la soirée, un drame est advenu dans la tour Helios de Talos Island : le cadet de la famille Ashwwod-Carnegie, déjà inculpé de détournement de fond et de délit d'initié dans l'affaire Sand-petroleum aurait assassiné deux de ses "amis".
Emma D. (voir couverture #652) a été précipitée du 43e étage de la tour suite à une curieuse soirée organisée par Ashwwod-Carnegie... La sauterie aurait débuté peu après le retour de Luke de l'audience concernant l'affaire Sand-petroleum. La police après avoir fait irruption sur les lieux aurait trouvé également une seconde victime, d'après le sergent James K. il s'agirait de Christopher Mulligan le nageur olympique, qui serait décédée dans la nuit. Luke Ashwood-Carnegie a été arrêté ce matin même dès sa sortie de l'hopital.

<une cellule>

Ses cheveux sont rasés, son esprit est embrumé, sa vision trouble, il a l'impression de flotter. Injection massive de novocaïne ? Il émerge, assis sur une chaise dure, il est sanglé, une table et un homme en face de lui. Une femme petite, l'air sévère est debout derrière, encadrée par deux brutes. Les souvenirs reviennent, la bouche de l'homme s'agite, il n'entend pas tout de suite.
homme - "...entendez ? Mr Ashwood, vous m'entendez ?",
femme - elle porte sa main a sa tempe, une espèce de diadème, la vision de Luke est trop trouble, "Il reprend conscience, il vous entend", le ton est cassant.
Luke essaie de percevoir autrement, rien. Aucun bourdonnement, aucune pensée.
homme - "M. Ashwood, n'essayez pas d'avoir recours à vos dons, ils ont fait déjà beaucoup de mal je crois, il pose ses mains jointes sur la table, vous souvenez-vous ?"
Oui, il commence à revoir les évènements, le sang sur ses mains, la police, le tribunal, sa détention et le jugement, enfin l'appel.
homme - "Vous comprenez sans doute que le gouvernement, quoi qu'en pense la justice, n'est pas disposé à laisser un homme de votre envergure se déplacer librement sur le territoire considérant l'usage inadapté que vous avez fait de vos capacités... Comme vous l'avez sans doute constaté, vous êtes pour l'instant... dirais-je... inhibé. Je comprend que cela soit déstabilisant pour vous, toutefois il en va de ma propre sécurité bien sur, mais de la votre également."
Impossible de penser de manière complexe ou trop cohérente, il subit le discours de son interlocuteur, il imprime, rien de plus.
homme - "Bien... Je viens donc vous rendre visite dans votre, il regarde autour de lui avec un air satisfait, demeure, afin de vous proposer un arrangement." L'homme lève une main à l'intention de l'un des molosses qui lui remet immédiatement un dossier. L’homme le dépose sur la table grise et froide. "Je vous invite à parcourir ce document aussitôt que je vous aurai quitté et que vous aurez recouvré vos esprits. Vous avez, je crois, un choix à faire : racheter vos fautes aux yeux de la société et vous amender ou alors, et ceci bien entendu sur avis médical pour votre propre sauvegarde, bénéficier d'un traitement spécial pour vous éviter la folie... autrefois on nommait cela lobotomie, mais, rassurez-vous, la chirurgie a fait des progrès, vous n'aurez aucune cicatrice."

Memento mori, un jour ou l'autre.